Les Crapauds 🐾

La nuit est limpide, L’étang est sans rides, Dans le ciel splendide Luit le croissant d’or.
Orme, chĂȘne ou tremble, Nul arbre ne tremble, Au loin le bois semble Un gĂ©ant qui dort.
Chien ni loup ne quitte Sa niche ou son güte Aucun bruit n’agite La terre au repos.
Alors dans la vase, Ouvrant en extase Leurs yeux de topaze, Chantent les crapauds.

Ils disent : Nous sommes HaĂŻs par les hommes, Nous troublons leurs sommes De nos tristes chants.
Pour nous point de fĂȘtes, Dieu seul sur nos tĂȘtes Sait qu’il nous fit bĂȘtes Et non point mĂ©chants.
Notre peau terreuse Se gonfle et se creuse ; D’une bave affreuse Nos flancs sont lavĂ©s.
Et l’enfant qui passe Loin de nous s’efface Et pĂąle nous chasse À coup de pavĂ©s.

Des saisons entiÚres Dans les fondriÚres Un trou sous les pierres Est notre réduit.
Le serpent en boule Prùs de nous s’y roule Quand il pleut en foule Nous sortons la nuit
Et dans les salades Faisant des gambades Pesant camarades Nous allons manger.
Manger sans grimaces Cloporte ou limace Ou ver qu’on ramasse Dans le potager.

Nous aimons la mare Qu’un reflet chamarre OĂč dort Ă  l’amarre Un canot pourri.
Dans l’eau qu’elle souille Sa chaüne se rouille ; La verte grenouille Y cherche un abri ;
Là, la source épanche Son écume blanche ; Un vieux saule se penche Au milieu des joncs.
Et les libellules, Aux ailes de tulle Font crever des bulles Au nez des goujons.

Quand la lune plaque, Comme un verni laque, Sur la calme flaque Des marais blafards,
Alors symbolique Et mélancolique Notre lent cantique Sort des nénuphars.
Orme, charme ou tremble, Nul arbre ne tremble, Au loin le bois semble, Un géant qui dort.
La nuit est limpide L’étang est sans rides Dans le ciel splendide Luit le croissant d’or